
Avec 127 171 nouvelles entreprises créées (individuelles et sociétés) en Belgique en 2018 (le nombre le plus élevé jamais enregistré, source GraydonCreditSafe, UCM, Unizo) l’entrepreneuriat et l’esprit d’entreprendre progressent, mais à un rythme lent et la Belgique est toujours dans le dernier peloton au classement des pays européens en nombre de créations annuelles.
Ce chiffre établit certes un record historique, mais il est à nuancer étant donné qu’il s’accompagne aussi d’une hausse du nombre de faillites et de cessations d’activité la même année.
La Belgique conserve sa dernière place lorsque l’on compare les taux de création d’entreprises dans les secteurs marchands et non marchands : alors que les nouvelles entreprises représentent 3,5% des entreprises actives en Belgique, l’Allemagne obtient un taux de 7,3%, la France 9,5%, les Pays-Bas 10,5% et le Royaume-Uni 14,2% en 2023.
Les entreprises individuelles (en général une seule personne physique, souvent le fondateur lui-même) sont à l’origine de 53 % de ces créations.
En réalité, le problème est plus qualitatif que quantitatif car ces créations ont toutefois une pérennité limitée : 61 % des entreprises créées en 2020 étaient toujours en activité en 2023 et elles sont seulement 49 % après 5 ans d’activité. Plusieurs facteurs expliquent ce pourcentage comme le montant des capitaux initiaux, la forme juridique choisie ou encore le profil du créateur : les chômeurs, les moins de 30 ans ou des personnes peu ou pas diplômées réussissent moins.
Les entreprises présentent des caractéristiques peu favorables à leur pérennité et à leur développement : 84,3 % de celles créées en 2023 n’avaient aucun salarié, 54 % de celles créées en 2022 ont des capitaux propres inférieurs ou égaux à 10 000 euros et 31 % ne sont pas bancarisées, 82 % ont la forme d’entreprise individuelle.
On constate également que la moitié des entreprises ont été créées sans aides publiques et plus de 70 % sans accompagnement par une structure spécialisée. Elles sont donc fragiles et présentent une faible valeur ajoutée.
Les pouvoirs publics fédéraux et régionaux mettent en œuvre de nombreux dispositifs de soutien à la création d’entreprises, qui prennent des formes très diverses, bénéficiant aux créateurs directement (subventions, exonérations, prêts, garanties) ou indirectement (sensibilisation et information, accompagnement, hébergement, développement du capital risque, valorisation de la recherche). Tout le spectre des formes d’actions possibles est utilisé. Malheureusement le pilotage du dispositif est insuffisant, sa gouvernance déficiente et surtout, le coût global des dispositifs est mal connu.
Il est étonnant de constater que, personne n’a jusqu’ici examiné et estimé le coût des dispositifs de soutien fédéraux et régionaux. Cette action de l’État et des régions est éclatée entre une demi-douzaine de programmes et portée par trois ministères et de nombreux opérateurs publics, en particulier Actiris (en région Bruxelles-Capitale) Le Forem (en Wallonie), le Fonds de Participation, les Fonds régionaux de garantie, la Socamut, la Finance & Invest Brussels, la GIMV, la Wallonie Entreprendre, etc. La mise en œuvre des dispositifs se fait sans cohérence suffisante et sans vue d’ensemble de leur efficacité.
Le coût total de ces actions est difficile à mesurer, notamment parce que les sources de financement sont multiples, tant du côté de l’État, des régions et de leurs opérateurs respectifs Aucun recensement des interventions de ces dernières n’étant réalisé, les calculs ne peuvent être qu’approximatifs.
En outre, de nombreux dispositifs visent à la fois les créateurs et les repreneurs sans que l’on puisse toujours les distinguer parmi les bénéficiaires, d’autant plus que les définitions sont fluctuantes. Le coût et les bénéficiaires des aides dont les montants sont les plus importants sont souvent les plus mal connus ; c’est le cas de certaines exonérations fiscales et sociales. Cette insuffisance d’information rend difficile l’évaluation des dispositifs.
Les actions menées participent à trois politiques différentes, qui se recouvrent en partie et pour lesquelles la création d’entreprises est souvent plus un moyen qu’un objectif :
– Le soutien au dynamisme du tissu économique des régions à travers les très petites entreprises et petites et moyennes entreprises ;
– La réduction du nombre de chômeurs en les encourageant à créer leur propre emploi ;
– Le développement d’entreprises innovantes censées créer les emplois de demain.
Les défauts de coordination et/ou de gouvernance ont trois conséquences :
– Pour les financiers, un risque de mauvaise allocation des moyens ;
– Pour les créateurs, une mille-feuille illisible des dispositifs ;
– Pour les nombreux acteurs impliqués dans l’accompagnement des créateurs, un surcoût de gestion.
Les moyens déployés, fédéraux et régionaux, ne sont pas répartis de manière équilibrée entre les trois types de créateurs d’entreprises que sont les chômeurs (qui accaparent environ 60 % des moyens publics), les créateurs classiques (9 %) et les innovants (10 %). Le déséquilibre en faveur des chômeurs incite les créateurs à passer par le statut de demandeur d’emploi pour bénéficier des aides auxquelles celui-ci ouvre droit.
Cette disposition ne permet pas de corriger les faiblesses de la création d’entreprises, trop petites, avec de faibles capitaux et des créateurs dont le profil n’est pas favorable à la pérennité des entreprises créées. Un rééquilibrage des moyens est donc nécessaire pour corriger ces faiblesses.
Les aides sont en outre concentrées sur la phase de création plutôt que sur le développement des entreprises malgré leur faiblesse à ce moment-là. Il faut soutenir la capitalisation des entreprises en phase d’amorçage et de premiers développements. Ce qui suppose également de mieux détecter les entreprises à potentiel et d’adapter les aides aux besoins des créateurs.
Pour améliorer la situation deux pistes devraient être approfondies :
- La réduction du nombre de formes d’aides proposées par chaque financeur pour rendre l’offre plus compréhensible par les créateurs, en maximiser l’efficacité et en limiter les coûts de gestion.
- L’orientation des porteurs de projet doit être simplifiée.
Avertissement : Tous les pourcentages indiqués dans ce texte ne sont que des approximations résultant de la lecture de plusieurs sources d’informations disparates. Il s’agit d’un travail subjectif de recompilation à partir de sources journalistiques et statistiques officielles (privées et publiques) diverses et non exhaustives. Nous ne prétendons pas fournir des chiffres d’une exactitude digne d’une thèse de doctorat. Un lecteur méticuleux pourra toujours corriger ces pourcentages en fonction des sources qu’il aura lui-même consulté. Nous n’avons donc aucun problème si un lecteur souhaite corriger notre analyse, en fait, nous l’encourageons même à le faire. Le but du jeu, ce ne sont pas les chiffres mais les idées.

