La droite qui innove, la Belgique qui avance

Trois idées phares pour en finir avec la bouderie électorale endémique


En Belgique, la dynamique de déprise électorale est féroce : la lèpre abstentionniste, le choléra des votes blancs, le typhus des votes nuls, ont gagné depuis longtemps tous les rendez-vous majeurs de notre monarchie parlementaire, atteignant 17 % des électeurs. Et il n’est pas exclu de voir le mal s’étendre aux toutes proches élections si la dynamique de déprise électorale se poursuit.

On peut voir dans l’ampleur phénomène abstentionniste (il concernait tout de même  1,4 million d’électeurs aux dernières élections régionales de 2024) (1) autant de signes que l’on veut : celui de la paresse civique, comme celui d’une maturité politique ou encore celui d’un acte de résistance citoyenne (indétectable dans le cas des votants blanc ou nul)…

La recherche d’explications à l’abstention massive lors de nos fréquents scrutins s’avère décevante si l’on y recherche un message positif. On peine à trouver une adresse qui serait envoyée aux gouvernants, aux élus ou bien encore à telle ou telle formation politique.

Sollicités par les instituts de sondage, les abstentionnistes choisissent d’abord les items relatifs à l’absence d’enjeu, et plus précisément le fait que leur vote ne changera rien à leur sort personnel et pas davantage à l’action concrète de leur région, province ou commune. Il est bien difficile de leur donner tort.

À chaque fois malgré toute la rhétorique déployée durant la campagne électorale, comment penser qu’un changement substantiel des politiques publiques pourrait survenir alors que l’essentiel du budget de ces institutions est affecté à des dépenses contraintes ?

À chaque fois donc, l’issue du scrutin ne suscite ni réelle espérance ni véritable crainte parmi les citoyens. Dès lors, un abîme sépare les électeurs et les cadres politiques, lesquels surinvestissent de sens le vote, ou le non-vote, de leurs concitoyens.

En effet, hors l’argument juridique du vote obligatoire, le principal mystère électoral n’est pas l’abstention mais la participation. Pourquoi, à une date donnée, les gens décident-ils de transférer à des personnes qu’ils connaissent peu ou pas du tout leur parcelle personnelle de pouvoir ?

Pour enrayer la montée continue du désengagement électoral, et l’usure démocratique nous avons un plan de régénération démocratique, synthétisé en trois points clés :

  1. Changeons notre système électoral

    Dans notre royaume il est toujours difficile de former un gouvernement parce qu’on ne parvient à chaque fois à constituer une majorité qu’au forceps en raison  du double antagonisme qui existe d’une part, entre la gauche et la droite, et d’autre part, entre Flamands et Francophones. Avec cette particularité que n’ont pas d’autres pays plurilingues, comme la Suisse, qu’il n’existe guère de parti national.

    L’impossibilité de dégager une majorité résulte essentiellement de notre système électoral. Ce n’est pas un hasard si les trois pays occidentaux qui éprouvent à chaque scrutin le plus de difficultés à former un gouvernement sont la Belgique, l’Espagne et Israël, soit trois pays qui connaissent un système dit « proportionnel ». Les Pays-Bas, qui appliquent le même système électoral, sont d’ailleurs régulièrement affectés du même mal.

    L’avantage du système proportionnel est qu’il reflète de manière plus ou moins exacte les divers courants dans la société et qu’il assure une représentation à toute opinion disposant d’un certain soutien. Mais il conduit toujours à un émiettement de la représentation parlementaire et rend plus  complexe la constitution de coalitions. Et puis, il faut aussi tenir compte de la lassitude des électeurs face à un système de coalitions qui augmente la perception d’impuissance.

    En revanche, le système majoritaire, à l’anglaise (dans chaque circonscription, l’élu est celui qui a le plus de voix), ou à la française (élection en deux tours d’un élu dans chaque circonscription), dégage presque toujours des majorités claires, et complique l’apparition de partis extrémistes : le Rassemblement national en sait quelque chose.

    Inversement, en Belgique, si le Vlaams Belang et le PTB sont si puissants qu’ils le sont aujourd’hui, ils le doivent au système proportionnel parce qu’ils auraient très peu de chances d’obtenir une majorité des voix, même dans une seule circonscription. Or, l’existence au Parlement de partis extrêmes, qui font l’objet d’un « cordon sanitaire », complique encore la possibilité d’un accord entre les partis plus modérés.

    Si nos partis voulaient réellement rendre plus facile la constitution d’un gouvernement, ils proposeraient de passer au scrutin majoritaire. S’ils ne le font pas, c’est notamment parce que celui-ci réduit le pouvoir des organes centraux des partis.

    Dans notre système proportionnel, les scrutins sont faits par listes, organisés par le parti, et les parlementaires ont individuellement très peu d’autonomie. Ils savent que s’ils ne votent pas suivant les instructions qu’ils reçoivent, ils ont très peu de chances de figurer encore en ordre utile lors des prochaines élections.

    En revanche, dans le système majoritaire – et c’est une qualité supplémentaire de celui-ci – les partis accordent, circonscription par circonscription, une « investiture », mais il est souvent arrivé que des personnalités marquantes, bien implantées, parviennent à se faire élire régulièrement sans disposer de cette investiture, ce qui leur donne beaucoup plus d’indépendance, et une réelle représentativité de leurs électeurs.

    En outre, le système majoritaire, dans lequel les listes de suppléants ainsi que l’effet dévolutif de la case de tête (mécanismes trompeurs qui favorisent les candidats choisis par les partis plutôt que le choix des électeurs) sont supprimés, facilite le renforcement du choix de l’électeur.

    Il est vrai que si l’on introduisait en Belgique le scrutin majoritaire, on verrait sans doute se fédérer un grand parti de centre-droit en Flandre et un grand parti de centre-gauche en Wallonie et que cela pourrait conduire à la scission du pays.

    Ce n’est jamais, faut-il le dire, qu’une expression plus nette d’une situation qui est déjà existante, confirmée par l’incapacité du PS et de la N-VA à s’entendre. S’il devait apparaître que telle est la volonté des électeurs, faudrait-il vraiment s’acharner à empêcher qu’elle se concrétise, en cherchant encore des accords entre de multiples petits partis très peu représentatifs de l’opinion de leur région ?

    2. Supprimons l’obligation de voter

     Dans la grande majorité des pays on a le « droit » et non l’« obligation » de voter. Sauf chez nous, où les électeurs ont l’obligation d’exercer leur droit de vote, sous peine d’amende. L’obligation de voter (2) fausse la démocratie, du moins la participation électorale, en amenant devant les urnes des centaines de milliers de personnes qui n’y viennent que sous la contrainte. Et cette contrainte ne restaure en rien la confiance dans la politique.

    En raison de la contrainte légale (amende), la participation réelle des électeurs aux différents scrutins est proche de 85 %. Mais, nos élus seraient-ils moins légitimes si la participation aux élections n’atteignait que  55 %  ?

    De toute façon, depuis belle lurette, aucun élu (ministre, secrétaire d’État, sénateur, député, bourgmestre, échevin) ne l’a été par plus de 30 % des électeurs inscrits. Et pourtant il ou elle dispose légitimement de tous les pouvoirs que la Constitution belge lui réserve. Serait-il/elle « mieux élu(e) » si  45 % d’absents, a priori non motivés par l’élection, étaient obligés de venir voter pour un(e) candidat(e) choisi(e) à pile ou face ou en fonction de ses beaux yeux ?

    On sait que les programmes des partis politiques, accessibles parfois avec beaucoup d’efforts sur leur site Web, sont inconnus de la quasi-totalité des électeurs. De toute façon, puisque les partis ont l’obsession d’attirer « l’électeur médian », les différences réelles entre les choix politiques sont en général très réduites, si l’on excepte les extrêmes.

    Comment faire un choix entre le socialisme libéral du PS et le libéralisme social du MR, le centrisme glouton des Engagés (ex CDH) et l’hyper centrisme globaliste (fourre-tout) de Défi ? Le choix entre les bonnets rouges-blancs-bleus et bleus-blancs-rouges ne suscite pas à une envie irrépressible d’aller voter.

    Le citoyen belge doit pouvoir décider que dans l’offre politique, il n’existe aucun choix acceptable. Si le citoyen a le sentiment ou la conviction que le scrutin est un jeu de dupes (la particratie ne permet pas une vraie représentativité des électeurs, ni les candidats, ni les partis, ni les programmes ne sont suffisamment inspirants et/ou crédibles) alors l’obligation de voter (de participer à un jeu de dupes) ne peut être légitime !

    Les partisans de l’obligation d’exercer le droit de voter invoquent l’importance que tout le monde exprime son opinion et pas uniquement les personnes qui s’intéressent déjà à la politique. Cela permet une représentativité plus importante, notamment celle des personnes les plus précarisées, et décisions prises refléteront davantage l’ensemble des tendances de la société. Et les thuriféraires de la contrainte légale estiment que, démocratiquement, les décisions sont dès lors plus acceptables et couvertes d’une plus grande légitimité.

    Mais, faut-il leur rappeler, ne pas aller voter, voter blanc ou nul c’est déjà exprimer une opinion, c’est même un acte de maturité politique un acte de défiance ou plutôt de résistance civile face à une offre politique non inspirante et non crédible.

    3. Changeons le principe du mandat de député

    La bouderie électorale de plus en plus prégnante en Belgique vient aussi du fait que nous élisons des personnes qui, une fois élus font ce qu’elles veulent. De fait, elles peuvent aisément et impunément nous tromper et nous n’y pouvons rien. C’est peu motivant pour les électeurs de ne pas avoir l’assurance que leurs élus travailleront effectivement pour eux.

    En Belgique, les députés sont élus sur un « mandat représentatif et libre » (où l’élu agit librement en son âme et conscience, représentant le peuple dans son ensemble), ce qui signifie qu’ils ne sont pas juridiquement contraints par des instructions précises de leurs électeurs et ne peuvent être révoqués par eux en cours de mandat pour ne pas avoir suivi de telles instructions.

    Aujourd’hui un(e) député(e) au comportement indigne est indéboulonnable et il/elle peut continuer impunément à représenter le pays, sa région et/ou les électeurs de sa circonscription. Cela doit cesser.

    Nous voulons que les Belges puissent voter pour destituer des député(e)s qui manquent à leurs obligations morales (ivresse sur la voie publique, drogue, exhibitionnisme,  corruption, collusion…) ou qui sapent les intérêts nationaux (liens avec des régimes hostiles, votes de réformes déstabilisant les intérêts nationaux, contestations/blocages/paralysies  systématiques des projets ou des budgets nationaux…)

    Le vote de révocation doit être rendu possible dans les circonscriptions électorales respectives, par exemple dès lors que 10 % des électeurs concernés ont signé une pétition.

    En Belgique, un député ne peut pas être destitué (ni par ses électeurs, ni par son groupe politique, ni par le parlement) uniquement en raison de ses liens présumés avec des régimes étrangers hostiles (ou des organisations terroristes : Frères musulmans, Hezbollah, Hamas…), ou uniquement en raison d’un conflit d’intérêt (c’est-à-dire l’utilisation à son bénéfice d’une fonction publique sans infraction pénale avérée). Aucun texte constitutionnel ou loi ordinaire ne prévoit la révocation par voie de vote, que ce soit des citoyens ou du parlement.

    Pour rendre possible, en Belgique, un vote de révocation des députés (appelé également « recall » ou révocation populaire), il faudra modifier la Constitution. Nous voulons moderniser la tradition constitutionnelle belge, notamment en réformant le mandat parlementaire.

    Instaurons le principe du « mandat impératif ». Un « mandat impératif » en politique désigne un mode de représentation où l’élu a l’obligation stricte de respecter les directives ou instructions précises données par ses électeurs, sous peine de révocation s’il ne s’y conforme pas.

    Autrement dit, l’élu est mandaté pour accomplir une mission définie et ne peut agir librement comme il le souhaite, mais doit suivre point par point la volonté des électeurs qui l’ont désigné. Il permet aux électeurs de contrôler de près leur représentant et de le révoquer s’il déroge aux instructions. Ce principe est lié à la souveraineté populaire telle que pensée par Rousseau, où l’élu est considéré comme un délégué fidèle et non un représentant libre.

    Nous sommes convaincus que cette réforme est techniquement possible via la procédure ordinaire de révision constitutionnelle.

    (1) Dans ce texte le terme « abstentionnistes »  englobe à la fois ceux qui ne vont pas voter mais aussi les électeurs qui votent blanc et ceux qui votent nul. Plus de 1,05 million d’électeurs ne se sont pas présentés dans les bureaux de vote (élections régionales belges de juin 2024), un record historique contemporain pour la Belgique. Cela représente environ 12,5% du corps électoral. Et plus de 400,000 votes blancs ou nuls (présence mais bulletin non valide) ont été comptabilisés au niveau national pour les différentes assemblées régionales. Pour la Région wallonne : 191 923 bulletins blancs ou nuls (soit 8,49% des votants. Pour la Région flamande : 216 121 bulletins blancs ou nuls (4,7% des votants). Pour la Région bruxelloise : 30 619 bulletins blancs ou nuls (6,1% des votants), chiffres officiels pour Bruxelles.

    (2) La Belgique constitue en quelque sorte une exception en Europe aux côtés de quatre autres pays: Luxembourg, Grèce, Bulgarie et Liechtenstein. Dans les faits cependant, l’obligation d’aller voter reste assez théorique, puisqu’environ 1,4 million de Belges ne votent pas. Ce qui est punissable par la loi mais, en pratique, presque jamais poursuivi. Aucun électeur n’a été condamné depuis 2003 pour ne pas avoir participé au vote.


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