La droite qui innove, la Belgique qui avance

En finir avec l’opacité des comptes des communes


En Belgique, les administrés ne disposent pas d’informations claires et traçables sur les dépenses de leurs administrations communales.

Combien votre commune dépense-t-elle pour l’accueil de chaque enfant en bas âge ? Pour les repas de chaque écolier ? Pour favoriser la pratique du sport ou de la musique ? Pour « verdir » le territoire ? Et ce parc des expositions, le grand projet du bourgmestre, combien va-t-il vous coûter ? Et pour quel bénéfice ? Le savez-vous ? Vous êtes bien chanceux si c’est le cas.

Dans les pays d’Europe du Nord, les pays anglo-saxons, mais aussi désormais en Italie, par exemple, les citoyens sont informés précisément de l’usage qui est fait de leurs impôts par leur maison communale. Les comptes de celles-ci sont certifiés par des auditeurs externes et publiés chaque année, avec, dans la plupart de ces pays, une version synthétique et accessible, destinée aux citoyens pour qu’ils puissent, à l’heure dite, compter, comparer et voter en citoyens éclairés.

Rien de tout cela en Belgique. Pourtant c’est là le premier échelon et outil d’une véritable démocratie. Mais pour nos édiles communaux c’est : « circulez, il n’y a rien à voir ! ». Et tous ces politiciens de pacotille qui se vantent de vouloir « faire la politique autrement » n’ont, ni voulu, ni pu, y changer quoi que ce soit !

Certes, depuis 1978, un texte législatif prévoit bien une divulgation des comptes locaux, mais aucune sanction n’est prévue en cas de manquement à ce devoir de transparence. Dès lors, les communes en profitent en masse et la table est servie pour toutes les magouilles possibles.

Pas étonnant si l’accès aux documents communaux n’est le plus souvent possible qu’à l’issue d’un parcours du combattant face à des administrations rétives, et si leur décryptage est impraticable sans compétences de comptable communal aguerri.

La grande majorité des citoyens n’a droit qu’aux chiffres habilement choisis par le cabinet du bourgmestre pour mettre en valeur les réalisations qui lui sont attribuées. Des documents importants restent par ailleurs inaccessibles.

Alors que, dans une entreprise, les comptes des filiales sont agrégés pour fournir une image globale de l’activité, rien d’analogue pour les budgets des structures qui gravitent autour de la commune avec des missions de service public : crèches, gestionnaires des eaux ou des déchets… Leurs comptes ne sont pas présentés. Seuls quelques éléments les concernant sont mentionnés en annexe, ce qui ne permet pas de repérer d’éventuels dysfonctionnements ou profits indus.

Au-delà du manque de transparence, c’est la qualité même des comptes qui pose aussi question. Le référentiel comptable utilisé par les communes est antédiluvien. Quand un rond-point est remplacé au bout de la rue, souvent, le précédent ne disparaît pas de la rubrique immobilisation, et on peut ainsi l’y voir apparaître deux fois, voire trois fois ou plus, s’il y a eu plusieurs chantiers successifs. La commune ne connaît donc pas vraiment son patrimoine.

Tout aussi grave, l’absence quasi générale d’une comptabilité analytique empêche de classer les dépenses par grands secteurs de compétences, ce qui aiderait le citoyen à s’y retrouver. On sépare, certes, les investissements des frais de fonctionnement, les crédits renouvelés des dépenses nouvelles. Mais, au-delà, c’est le flou intégral.

Impossible de distinguer les sommes précisément déboursées pour telle ou telle catégorie de population ou telle ou telle thématique : la voirie, les écoles, la sécurité… Certaines communes ayant quelques centaines d’employés se refusent à embaucher un contrôleur de gestion. Et que dire des petites maisons communales dans lesquelles la présence de personnel comptable qualifié est totalement insuffisante.

Ce manque de rigueur n’est malheureusement pas compensé par des contrôles très réguliers de l’État. Les auditeurs des chambres régionales des comptes passent environ tous les sept ans examiner les comptes des collectivités de taille moyenne. Mais leurs effectifs restreints les empêchent, évidemment, de mettre leur nez dans les comptes d’un grand nombre de communes.

De fait, ils posent aux administrations communales de petite taille une question au sujet de leurs comptes en moyenne tous les vingt ans… Cette absence de certification systématique viole à la fois une directive européenne de 2011 et la Constitution belge.

Une information mal communiquée, mal collectée, peu vérifiée… l’accumulation de ces dysfonctionnements joue très certainement un rôle dans le désarroi des citoyens, se déclarant sans prise sur les décisions publiques. Le bilan est catastrophique pour la démocratie belge.

Pourquoi est-ce toléré ? Les parlementaires qui pourraient intervenir pour faire évoluer ces pratiques sont bien souvent eux-mêmes des élus locaux. Mis sous pression financière, avec des budgets qui se rétractent, ces élus locaux rechignent à dépenser davantage, simplement pour améliorer la qualité et la transparence de leurs comptes. Ils veulent par ailleurs conserver la liberté d’afficher facilement des bilans positifs.

Dans le cadre d’une recherche, nous avions demandé à des citoyens, des agents publics et d’autres parties prenantes, s’ils jugeaient utile de faire certifier les comptes des collectivités locales. La majorité s’y était déclarée très favorable. Or, la famélique législation en la matière n’a pas abouti à une généralisation de la certification mais seulement à quelques expérimentations.

La situation doit aujourd’hui changer. Dans la plupart des pays voisins, les citoyens sont correctement informés grâce à la diffusion obligatoire d’indicateurs normalisés, permettant des comparaisons entre collectivités locales, complétés parfois par des indices de performance des services publics et de satisfaction des habitants.

C’est un principe démocratique de base, mais dans notre « Particratie », personne ne s’en soucie vraiment. Dans notre Royaume de Belgique la devise de fait est « diviser pour régner tranquille chez soi (c’est-à-dire dans sa commune, son village…) » C’est là le véritable « Chagrin des Belges » pour paraphraser Hugo Claus.

En Belgique, on organise des débats pour prendre le pouls de l’opinion quand les ronds-points se bloquent, mais localement, il règne une quasi-totale opacité sur la gestion des comptes publics. Plus de la moitié de l’investissement public est aujourd’hui le fait des collectivités locales.

Pourquoi faut-il l’apparition d’une toute nouvelle formation politique pour révéler et vouloir changer tout cela pour le plus grand bénéfice d’un contrôle démocratique direct ?


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