
Refusons que l’État supprime le cash ! Sus à cette mesure liberticide !
Aujourd’hui, certains acteurs sérieux (académiciens, politiciens, économistes…) envisagent de supprimer purement et simplement l’argent liquide. Des professeurs d’université, notamment américains, se sont prononcés en ce sens, et des États comme la Suède ou le Danemark envisagent un premier pas dans cette direction, en cessant, éventuellement, d’obliger les petits commerçants à accepter de l’argent liquide en paiement. Bien sûr, des banquiers, les premiers qui devraient bénéficier de cette mesure, figurent parmi les plus chauds partisans de celle-ci.
Les motifs, ou les prétextes, invoqués sont parfois d’ordre économique ou pratique. Il est certes exact qu’il est aujourd’hui possible, lorsque les systèmes électroniques ne sont pas en panne, de faire pratiquement tous les paiements de la vie courante par voie bancaire, ou au moyen de cartes de débit ou de crédit. Les progrès en la matière devraient encore faciliter ce type de paiements en se passant de la carte elle-même, pour ne plus utiliser qu’un téléphone portable.
L’argumentation des contempteurs du cash invoque aussi l’économie que réaliseraient les banques en se passant d’argent liquide, qu’il ne faudrait plus transporter en recourant à des organismes spécialisés. On cite aussi les avantages qui en résulteraient en termes de sécurité, pour les banques et les commerçants.
Certains ajoutent que la disparition de l’argent liquide renforcerait le secteur bancaire puisque le contenu de tous les portefeuilles de l’ensemble de la population se retrouverait sur des comptes tenus par les banques.
Nous estimons que tous ces arguments sont sans doute exacts mais ne suffisent pas à expliquer que l’on fasse disparaître l’argent liquide. Si celui-ci occasionne des frais, on imagine volontiers que les banques, toujours imaginatives en la matière, pourraient facture le service consistant à remettre de l’argent liquide. Quant aux attaques à main armée, l’on sait qu’elles ont considérablement diminué au cours des dernières années et que la disparition du cash n’y mettra pas entièrement fin puisqu’elles pourront se reporter sur d’autres types de butins, notamment les marchandises de valeur.
Le vrai enjeu de la discussion est ailleurs. Compte tenu de l’abolition, bientôt complète, du secret bancaire dans la plupart des pays, l’élimination de l’argent liquide permettrait aux États d’avoir connaissance, non seulement de tous les actifs financiers des personnes physiques et des sociétés, mais aussi de la totalité des opérations qu’elles réalisent, tant sur le plan professionnel que sur le plan privé.
Si, un jour, le cash n’existe plus, l’État saura vraiment tout (comme dans « totalitaire ») sur l’argent possédé par chacun, et sur ce que chaque individu en fait. Il connaîtra donc la quasi-totalité de ses activités et de ses mouvements. Par l’accès aux comptes bancaires, il saura où une personne se trouve, et à quel moment, et ce chaque fois qu’elle réalise une transaction financière, aussi minime soit-elle.
C’est sans doute un moyen particulièrement efficace de lutter contre la fraude fiscale. Mais, une fois de plus, il faut se poser la question de la proportionnalité entre les moyens mis à la disposition du pouvoir et le résultat recherché.
On peut certes comprendre qu’il soit important pour l’État de s’assurer du paiement exact des impôts. Mais il faut se demander s’il est vraiment justifié, pour atteindre cet objectif, d’éliminer pratiquement toute vie privée à l’égard des autorités.
Faut-il vraiment considérer la perception des impôts comme un objectif à ce point prioritaire qu’il justifierait que, littéralement, les administrations fiscales puissent tout connaître de ce que chacun fait, à chaque instant ?
La question de l’élimination éventuelle des billets et des pièces de monnaie pose donc un véritable problème de société. Veut-on un État fort, dont les exigences financières priment les droits élémentaires des individus ou accepte-t-on le risque qu’une partie des impôts ne soit pas dûment payée parce qu’il est plus important de préserver les libertés fondamentales ?
Cette question est la même que celle posée dans le domaine de la procédure pénale. L’on retrouverait assurément plus facilement les auteurs des infractions si la police pouvait perquisitionner partout de jour et de nuit, sans mandat, si elle pouvait torturer et emprisonner à sa guise. C’est heureusement un autre choix qui a été fait dans les sociétés démocratiques. Limiter le pouvoir, c’est certes réduire son efficacité, mais c’est nécessaire pour garantir les droits des citoyens contre ce pouvoir.
Le but de la manœuvre est clairement de faire en sorte que des sommes d’argent non connues du fisc aient encore le moins d’utilité possible. En quelque sorte, il s’agit d’ôter à l’argent « noir » la plus grande partie de sa valeur économique effective. Les orientations forcées (voire les interdictions progressives) montrent encore une fois que l’État veut progressivement empêcher toutes les opérations, licites ou non, qu’il n’est pas en mesure de contrôler. Il veut en réalité tout savoir.

