La droite qui innove, la Belgique qui avance

Imposer sans appauvrir


Taxer le patrimoine et libérer le capital n’est pas antinomique

Certains économistes de gauche pensent que le capitalisme accroît mécaniquement les inégalités. En réalité, le capitalisme per se n’y est pour rien. Les inégalités proviennent mécaniquement surtout de l’effet conjugué d’une inefficiente taxation du capital et d’une régulation contreproductive de celui-ci.

L’observation de terrain montre bien que les inégalités s’accroissent quand le rendement du capital est durablement plus élevé que la croissance. Celles-ci explosent aux Etats-Unis où les rendements du capital patrimonial (capital au sens large : actions, immobilier, patrimoine total) se situent entre 10 et 13 % tandis qu’elles s’accroissent sensiblement en Europe où les rendements du capital patrimonial sont plus faibles, de l’ordre de 5 à 8 % (rendement brut des principaux véhicules d’investissement patrimonial diversifiés, notamment dans l’immobilier non coté (SCPI européennes)). Mais ces inégalités sont le fruit pourri d’une déficience de choix politiques judicieux et donc, in fine, de démocratie.

Nos mandataires politiques calculent à court terme, sans vision sur le long terme. Ils pensent dominer le capitalisme par l’entremise de régulations devenues archaïques et fondamentalement anti-démocratiques. En effet, sous le prétexte louable de vouloir protéger les citoyens, nos gouvernants ont de fait hérité et/ou créé des rentes économiques injustes puisqu’au bénéfice exclusif de quelques corporations privilégiées.

En réduisant les rentes économiques, on abaisse mécaniquement le rendement excessif du capital tout en augmentant le taux de croissance de l’économie. Par exemple en développant l’accès de tous aux projets les plus rentables (financement participatif, réforme de l’épargne…) et en permettant aux salariés d’obtenir une meilleure part des gains de productivité réalisés dans les entreprises (réforme des stocks options, des plans d’intéressement…).

Pour lutter contre les rentes, on peut aussi développer la concurrence notamment en diminuant le besoin en capital pour accéder à un revenu (véhicules de tourisme avec chauffeur, SPRL-Starter, etc.), déployer les accords commerciaux qui amoindrissent les rentes locales aux bénéfices des consommateurs (électricité, téléphonie…), étendre la formation…

De même, il faut rénover notre système de taxation : taxer mieux, c’est taxer plus en profondeur mais plus lentement, plus progressivement et sans appauvrir !

Le Mouvement Droite Moderniste (MDM) ne propose pas d’alourdir la taxation existante mais de la transformer graduellement, justement, avec  pour fil conducteur la capacité contributive objective des contribuables. MDM prône un impôt progressif annuel sur le patrimoine net, plutôt qu’un impôt proportionnel à la valeur brute du patrimoine. Mieux taxer le stock de capital patrimonial permet en outre de moins taxer les flux de revenus issus du capital et du travail (permettant justement aux plus modestes d’entretenir ou de se constituer un patrimoine).

En répartissant mieux la charge contributive de tous les contribuables l’État lèvera plus d’impôts sans appauvrir personne, justement grâce au phénomène historiquement constaté par la plupart des économistes d’un rendement du capital supérieur au taux de croissance de l’économie.

Les classes populaires et moyennes seront proportionnellement soulagées, permettant aux plus modestes d’accéder à la propriété et de commencer à s’enrichir (un peu), tandis que les classes aisées et très aisées contribueront proportionnellement plus au financement de l’État-providence mais sans appauvrissement. En effet, une taxation de 1 à 2 % d’un patrimoine global net augmentant bon an mal an de 6 à 7 % ne constitue ni une perte de leur pouvoir d’achat habituel ni une entrave à l’accroissement régulier de leur patrimoine.

Les taxations sur le patrimoine n’ont pourtant rien de révolutionnaire, elles existent déjà sous de multiples formes : droits de succession sur l’ensemble du patrimoine (80 % entre personnes non apparentées, 30 % entre conjoints ou en ligne directe), droits d’enregistrement sur le patrimoine immobilier (3 % en Région Wallonne,  12,5% en Région Bruxelles Capitale), droits sur apports en nature, taxation des revenus du capital (précompte immobilier, précompte mobilier).

Ces taxations sont simplement mal calibrées et appliquées trop brutalement (taux confiscatoire proportionnel en une fois) et ne rapportent pas autant à l’Etat que s’il les étalait en annuités (une mise à contribution à taux doux progressif au moment de la transmission mais également tout au long de la vie).

Par exemple quand un contribuable hérite d’un appartement valant 800 000 francs belges en 1984, personne ne sait que le bien vaudra peut-être 400 000 euros en 2025, et permettra de gagner ou d’économiser plus de 30 000 € par an de valeur locative. Plutôt que de faire payer un très fort impôt sur l’héritage en 1984, il est plus efficace d’appliquer un impôt successoral plus limité et de prélever chaque année une taxe foncière, un impôt sur les loyers, et éventuellement un impôt sur la fortune, en fonction de l’évolution de la valeur et du rendement du bien en question.

Il y a un optimisme profond dans le message du MDM: la mise en place d’un impôt progressif mondialisé (c’est-à-dire quelque soit le lieu où se situe le patrimoine du contribuable) n’est pas une provocation mais plutôt, pour les amateurs d’oxymores, une utopie aimable parce que réalisable.

On peut démontrer empiriquement que les outils techniques existent et sont déjà utilisés marginalement de manière éparse çà et là. Par exemple, imposer le capital patrimonial mondialisé nécessite une transparence financière globalisée. Celle-ci est techniquement possible, il suffit de suivre l’exemple de la loi américaine FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) en vigueur depuis le 1er juillet 2014 et qui impose à toutes les banques étrangères de transmettre au fisc américain toutes les informations sur les comptes, placements et revenus détenus et perçus par les contribuables américains ailleurs dans le monde (avec sanctions fermes à la clé).

Seule manque actuellement la volonté politique de la mise en application. Mais quelle motivation auraient nos mandataires politiques (ministres, sénateurs, députés) dont la majorité font partie des plus gros « possédants » (C’est flagrant aux Etats-Unis où plus de 80 % des membres de la classe politique appartiennent au décile supérieur des plus riches) et sont de facto les principaux bénéficiaires du système de taxation actuel ?

Pourtant cette volonté s’est manifestée avec succès à différents moments de l’histoire du XXe siècle aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en France où le capital a été taxé lourdement pendant des décennies sans ruiner le développement de l’économie et sans fuite massives des grosses fortunes !


Une réponse à “Imposer sans appauvrir”

  1. Géniale cette idée d’impôt progressif annuel sur le patrimoine net plutôt qu’un impôt proportionnel sur la valeur brute du patrimoine

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