
En Belgique, il n’existe pas d’estimation publique précise et récente concernant l’ordre de grandeur des économies budgétaires qu’une privatisation totale de l’audiovisuel public permettrait aux finances publiques. Toutefois, il est possible d’extrapoler une estimation à partir des cas et des chiffrages publiés pour la France, dont le modèle d’audiovisuel public et les ordres de grandeur budgétaires sont comparables, tout en étant de taille moindre.
Ordre de grandeur en France
Les analyses récentes du secteur français montrent :
- Dépenses publiques annuelles pour l’audiovisuel public : environ 3,6 à 4 milliards d’euros par an (hors certains secteurs conservés comme France Médias Monde).
- Les études suggèrent qu’une privatisation pourrait théoriquement permettre d’économiser environ 2 milliards d’euros par an sur le budget de l’État, en supposant qu’il serait réaliste de supprimer purement et simplement la dotation publique à l’ensemble des grands acteurs (France Télévisions, Radio France, etc.).
Ce chiffrage tient compte de nombreux facteurs atténuants :
- Il n’est réalisable qu’à moyen ou long terme (3 à 5 ans) du fait des procédures et de la réorganisation sectorielle nécessaires.
- Le périmètre réellement privatisable pourrait être plus réduit que le scénario théorique, et l’État pourrait devoir financer une partie du « retrait » (plans sociaux, reprises d’obligations, etc.), limitant donc les économies nettes.
- Cet ordre de grandeur ne tient pas compte des retombées économiques négatives attendues sur les secteurs de production audiovisuelle nationaux et régionaux, ni de la perte d’objectifs de service public.
Transposition à la Belgique
- La taille de l’audiovisuel public belge (RTBF pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, VRT côté flamand, BRF côté germanophone) est inférieure à celle du secteur français : le budget annuel cumulé se situe autour de 350 à 500 millions d’euros selon les exercices et les entités.
- En appliquant une règle de trois très simplifiée, l’ordre de grandeur des économies annuelles potentielles pour les finances publiques belges dans l’hypothèse d’une privatisation totale serait donc de l’ordre de quelques centaines de millions d’euros par an (probablement entre 300 et 400 millions d’euros, à ajuster en fonction des périmètres et obligations). Ce chiffre reste très théorique, car il suppose la disparition totale des financements publics sans coûts de transition ni maintien d’obligations résiduelles, ce qui est peu probable en pratique.
- Ces économies seraient neutralisées en partie par la nécessité de continuer à financer certains services non-marchands, obligations de service public ou plans sociaux pour le secteur, qui resteraient à la charge de l’État, comme c’est débattu en France.
À retenir
- Économie maximale théorique : quelques centaines de millions d’euros par an pour la Belgique (sur la base de 300–400 M€).
- Économie réelle plus faible, surtout si des missions de service public devaient être maintenues ou des mesures d’accompagnement social financées.
- Les effets macroéconomiques sur la filière de production audiovisuelle et la cohésion régionale seraient importants, au-delà du seul aspect budgétaire.
En résumé, la privatisation totale de l’audiovisuel public en Belgique pourrait dégager, dans le scénario le plus large et à moyen terme, une économie théorique de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros par an pour les finances publiques, mais le montant effectif serait très inférieur après prise en compte des coûts de transition et des obligations résiduelles, comme le montrent les exemples français.
Plusieurs risques et coûts supplémentaires pourraient accompagner une privatisation partielle ou totale de l’audiovisuel public belge :
1. Coûts de transition et indemnités
- La privatisation impliquerait des coûts de restructuration importants, notamment en matière de gestion des effectifs (plans sociaux, indemnités de départ, reclassement), qui seraient en grande partie à la charge de l’État. Les grandes structures publiques, souvent surdimensionnées pour le secteur privé, nécessiteraient des ajustements coûteux.
2. Difficultés et incertitudes sur la valeur de cession
- Il n’est pas garanti que les actifs audiovisuels publics attirent beaucoup d’acheteurs, ou qu’ils soient valorisés à un niveau suffisamment élevé pour couvrir tout ou partie des coûts de transition. La demande pour ces structures complexes pourrait être inférieure aux attentes, ce qui risquerait de limiter significativement les recettes issues des privatisations.
3. effets sur le marché publicitaire et les médias privés
- Une privatisation augmenterait la concurrence sur le marché publicitaire, déjà saturé, risquant de fragiliser l’ensemble du secteur média, y compris les acteurs privés existants.
4. Fragilisation de la création locale et de la production nationale
- La privatisation risque de réduire le soutien financier aux productions belges, notamment régionales, traditionnellement assuré par le service public audiovisuel dans le cadre de sa mission de soutien à la création locale et nationale. Cela mettrait en danger l’écosystème de la production audiovisuelle en Belgique et pourrait entraîner la disparition de nombreuses œuvres ou diffuseurs locaux.
5. Risques de désertification de l’information régionale
- En France comme en Belgique, l’audiovisuel public joue un rôle clé dans la couverture des territoires et l’offre d’information régionale. Sa privatisation pourrait entraîner la disparition ou la réduction de médias régionaux, au détriment de la diversité de l’information et de la cohésion territoriale.
6. Perte de maîtrise sur des missions d’intérêt général
- Certaines missions, souvent peu rentables mais considérées comme essentielles (accessibilité, diversité, éducation aux médias, neutralité, soutien aux minorités linguistiques), pourraient être abandonnées ou nécessiter un financement public compensatoire pour être maintenues, ce qui réduirait l’économie attendue.
7. Risques juridiques et réglementaires
- La privatisation devrait respecter des procédures européennes (marché intérieur, aides d’État, protection des minorités), potentiellement longues et complexes, pouvant générer des coûts imprévus et retarder les économies escomptées.
En résumé, au-delà de l’économie potentielle, une privatisation de l’audiovisuel public belge entraînerait des coûts de transition, des risques pour l’emploi, la production audiovisuelle nationale et régionale, l’information locale, la cohésion sociale, et exigerait un traitement juridique et réglementaire complexe, limitant fortement les bénéfices nets attendus.

