
Certains voient la modernité comme une forme de religion implicite parce qu’elle partage avec la religion traditionnelle des caractéristiques fondamentales : une vision du monde totalisante, des valeurs structurantes, et la capacité d’organiser symboliquement l’expérience collective.
- La modernité promeut des « dogmes » laïques : progrès, autonomie de l’individu, rationalité, science et émancipation de la tradition. Ce projet de déracinement s’accompagne d’une méfiance à l’égard du religieux institué, au point d’être qualifiée parfois de « religion de l’antireligion » : le rejet du religieux devient lui-même quasi-rituel ou normatif.
- Comme une religion, la modernité propose une interprétation globale du monde, oriente le sens de l’existence et prescrit des méthodes pour améliorer la société (le progrès, la science, la liberté).
- Certains auteurs évoquent une « religion cachée de la modernité », consubstantielle à la politique moderne, qui remplace le salut religieux par un idéal laïcisé : la promesse du progrès collectif, parfois vécue avec la ferveur et la foi caractéristiques du religieux.
- Même lorsqu’elle semble supplanter la religion, la modernité ne parvient pas totalement à éliminer l’esprit religieux : elle le transforme, le déplace ou le réinvestit dans d’autres croyances et pratiques collectives.
Résultat : la modernité fonctionne, pour beaucoup, comme une nouvelle religion, sans transcendance, mais investie d’une mission, d’idéaux, de rites (la consommation, le vote, le progrès technique ou la commémoration laïque), et susceptible de générer aussi bien engagement que déception ou crise de sens.

